L’État lecteur. Ethnologie de la vie intellectuelle au Sultanat d’Oman

Contenu

Titre
L’État lecteur. Ethnologie de la vie intellectuelle au Sultanat d’Oman
Type
Thèse de doctorat
Date
2023
Résumé
Depuis la révolution de l’imprimé, introduit par les Omanais dans l’île de Zanzibar au tournant du XXe siècle, jusqu’à celle d’internet et des réseaux sociaux un siècle plus tard, l’émergence de la figure de l’intellectuel (al-muthaqqaf) semble liée à celle de la sphère publique, comprise comme le lieu où se médiatise la réflexion de la société sur elle-même. Ce travail de thèse, adossé à une enquête ethnographique de dix-huit mois, entend donc réfléchir la place et le rôle des intellectuels omanais contemporains au sein de la sphère publique, et ceci à l’aune du souci politique manifesté par l’État dynastique des Āl Sa‘īd pour « l’opinion publique » (al-ra’y al-‘ām) de sa population.
Cette thèse propose ainsi une ethnologie de la vie intellectuelle au Sultanat d’Oman qui s’attache dans un premier temps à restituer la genèse et la structuration de cette sphère publique depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. L’étude des carrières et des sociabilités intellectuelles au sein d’un espace thématisé dans les termes conceptuels d’un « jeu intellectuel » permet, dans un deuxième temps, de réfléchir les conditions spatiales et matérielles de possibilité de la vie intellectuelle ainsi que ses limites, contrainte d’un côté par la répression politique de l’État et, de l’autre, par le contrôle social adossé aux logiques réputationnelles de l’honneur et de la honte, encore prééminentes dans une société tribale. Car qu’ils soient « traditionalistes » (taqlīdiyyīn), « rationalistes » (‘aqlāniyyīn) ou « libéraux » (lībrāliyyīn), qu’ils écrivent des romans, des poèmes ou des essais, les intellectuels omanais n’ignorent pas les limites qui restreignent l’acceptabilité de leurs discours et de leurs paroles dans la sphère publique. Ils savent que l’État omanais les surveille, les écoute, les lit, et que s’il rend en partie possible leurs carrières par la redistribution de la rente pétrolière sous la forme d’emplois publics, il les oriente aussi en retour, selon la logique de la gouvernementalité sultanienne de la main d’or et de la main de fer, qui réserve à chacun, selon sa loyauté, les plaisirs ou les peines, les rétributions ou les condamnations qui font respectivement « l’intellectuel d’État » (muthaqqaf sulṭawī) et « l’intellectuel critique » (muthaqqaf naqdī).
La troisième partie de cette thèse permet cependant de voir comment certains intellectuels parviennent à inventer des espaces de liberté située et à visibiliser des orientations intellectuelles, religieuses ou politiques dans la sphère publique. Ce faisant, ils s’efforcent de penser l’historicité et la conflictualité politique de leur société en contradiction avec la vision d’une nation sans divisions, consensuelle et harmonieuse, qui est celle de l’idéologie de la naḥda (« la renaissance ») promue par l’historiographie officielle.
Editeur
Ecole des hautes études en sciences sociales
Place
Paris
Langue
fre

Ayachi, Mehdi, “L’État lecteur. Ethnologie de la vie intellectuelle au Sultanat d’Oman”, Ecole des hautes études en sciences sociales, 2023, bibliographie, consulté le 7 septembre 2024, https://ibadica.org/s/bibliographie/item/21048

Position : 976 (10 vues)